Dubos sur la question de la sensibilité de l’art
La transformation de la sensibilité et du regard sur l’art au XVIII-ième siècle est inséparable du développement de la presse, des journaux qui s’adressent non pas à des spécialistes, non pas à des hommes politiques, mais à n’importe qui. Il s’agit de l’idée du public, un groupe différencié. Les salons constituent un exemple des espaces publiques. L’un des penseurs esthétiques contemporains qui a exercé une influence considérable sur la critique d’art était Jean-Baptiste Dubos avec son ouvrage Les Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture. Dubos y affirme que l’art ne peut pas être seulement beau, mais doit également toucher, remuer les cœurs. Ainsi, il introduit un nouveau principe esthétique en tant que la sensibilité, l’expérience des sens donnant naissance au sentiment.
Dubos n’était pas le musicien, le poète, le peintre, le collectionneur d’art, mais il avait beaucoup lu, entendu et réfléchi. Cela veut dire que la position de Dubos n’est pas la position du producteur, mais du récepteur. Le rapport de Dubos à l’art est un rapport de spectateur. Jusque-là, le spectateur était un spectateur qui connaissait l’art. Autrement, la réflexion sur l’art supposait un spectateur qui est initié au monde de l’art. Pour Dubos, le spectateur est quelqu’un qui ne juge pas en fonction d’une expérience pratique, non plus en fonction d’une connaissance, mais qui juge en fonction du sentiment. Ainsi, le spectateur n’est pas l’artiste, ni collectionneur mais ce sont les gens qui se situent à l’extérieur de l’art. C’est un nouveau concept du public, le concept de l’ignorant.
Cette figure de l’ignorant est rattachée aux autres figures théoriques qui servent à s’interroger d’où viennent non idées, nos connaissances. Pour bien juger notre état présent, il est nécessaire d’avoir une idée claire. C’est un état de nature qui n’a jamais existé et qui n’existera pas. Par exemple, pour comprendre comment on voit, il faut construire la figure de l’aveugle. Pour comprendre comment on agit à la société, il faut construire la figure de sauvage. En conséquence, pour comprendre l’expérience esthétique, Dubos construit la figure qui juge sans intérêt. Les gens du métier artistique pour Dubos jugent mal puisque leur sensibilité est épuisée. Ils jugent toujours avec intérêt et prévention. Ils sont préjugés. Dubos restreint également un sens du public au gens qui lisent, qui vont aux spectacles, qui écoute de la musique et donc qui sont capable de comparer. Chez Hume, la comparaison, au contraire, amène à une idée de la délicatesse du goût. Les membres d’un public ne sont pas égaux dans le jugement parce qu’il y a des gens qui ont plus d’expérience que d’autres. Ils ont vu plus d’œuvres d’art. Ils ont écouté plus de la musique. Leur sentiment est plus diversifié parce que leur sensibilité est plus délicate.
Pour conclure, tous les problèmes que soulève Dubos ces sont encore des problèmes que l’on peut se poser aujourd’hui. Il faudra essayer plus précisément signifier cette absence d’intérêt dont parle Dubos. Le premier critère du jugement du public c’est qu’il juge sans intérêt. Il n’y a pas d’intérêt pratique, économique dans l’art. Un artiste juge toujours avec intérêt, en fonction de son art, alors que le public juge en fonction du sentiment. Puisque le but de l’art est de nous toucher, une œuvre d’art est réussie si elle nous touche. On peut argumenter comment tel ou tel effet est produit par tel ou tel cause. En revanche, on ne peut pas argumenter sur la question du plaisir. Si une chose ne nous plait pas, ça ne nous plait pas. Il n’y a aucune influence. Il existe donc en nous un sens esthétique. C’est un plaisir de l’imitation qui n’est pas l’illusion. On sait bien que ce n’est pas vrai mais c’est tellement bien imité qu’on pourrait croire que si. C’est un sens sans organes. C’est ce qu’on appelle le sentiment.
Bibliographie :
- Jean-Baptiste Dubos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1719